VILLE - Réseau urbain

VILLE - Réseau urbain
VILLE - Réseau urbain

Un réseau urbain est formé par l’ensemble des villes hiérarchisées et interdépendantes qui assurent l’encadrement d’un espace national ou régional. Il ne faut pas englober dans ce terme, qui recouvre une notion précise, toutes les formes de répartition spatiale des villes. Ainsi, dans une zone naturelle comme les Alpes, le simple mode de localisation des diverses cités constitue le «semis urbain» de cette zone. La notion de réseau urbain ajoute aux modalités de localisation des villes dans l’espace la nature du pouvoir d’attraction et d’organisation de celles-ci sur leurs alentours, grâce aux activités tertiaires qui s’y concentrent et qui répondent aux besoins des habitants et des activités économiques de leur espace environnant, défini comme leur «zone d’influence». Dans ce rôle d’encadrement territorial, il faut enfin, pour qu’il y ait «réseau urbain», que les villes de l’espace considéré soient hiérarchisées entre elles et interdépendantes.

Dans les pays développés, on peut ainsi définir des réseaux urbains régionaux, souvent constitués d’un centre principal et de deux ou trois catégories de villes relais, et des réseaux urbains nationaux qui groupent, sur la totalité de chaque espace national, la capitale et l’ensemble des centres principaux qui découpent cet espace en régions selon les limites de leurs zones d’influence, chacun possédant son propre réseau urbain régional. Ces réseaux nationaux diffèrent les uns par rapport aux autres selon les relations que les divers centres régionaux entretiennent entre eux et avec la capitale nationale.

À ces deux échelles spatiales, la notion de réseau urbain prend des sens et des structures différents selon les niveaux de développement économique et social des espaces considérés; la réalité est même si dissemblable entre un pays industriel développé et un pays d’économie sous-développée qu’il convient de se demander si le même terme peut s’appliquer à l’un et l’autre cas. Aussi, après avoir précisé les fondements de la notion de réseau urbain, et défini successivement les réseaux urbains nationaux et régionaux, sera-t-il nécessaire de poser le problème de la variété de ceux-ci selon les niveaux de développement.

1. La notion de centres de services, fondement de la notion de réseau urbain

La concentration presque exclusive, dans les villes, des activités tertiaires à partir d’un certain niveau constitue l’une des bases fondamentales de la notion de réseau urbain. Ces services, en effet, sont, la plupart du temps, indispensables à l’ensemble des hommes et des entreprises économiques, qui doivent alors avoir recours à l’agglomération qui les détient. Les formes de localisation de ces activités nécessaires et la variété de leur niveau de concentration dans l’espace constituent le premier élément de définition de la notion de réseau urbain.

Il est en effet évident qu’en pays développé l’individu a recours à des services très variés, que ce soit dans le domaine du commerce, de la banque, de l’enseignement, de la santé, de la culture ou des loisirs. De même, la grande majorité des entreprises de production, agricoles ou industrielles, ne peuvent fonctionner sans utiliser des services bancaires pour leurs opérations de trésorerie et de crédit; dans l’économie actuelle fondée sur les échanges, aucune ne peut prospérer sans une organisation de commerces de fournitures et de distribution; enfin, la complexité croissante du système économique et technique dans lequel elles s’insèrent les oblige à recourir à de multiples professions de conseil. À cela s’ajoutent les besoins généraux de la société en services administratifs pour la gestion des affaires publiques.

Certes, le recours à ces activités présente un degré de fréquence très variable, en fonction de la nature même du service demandé. Pourtant, leur organisation spatiale repose toujours sur un système à trois éléments: un centre où se localise le service, une zone environnante où résident ses utilisateurs, les relations entre ceux-ci et le centre. Ce système, extrêmement général, se retrouve à des échelles spatiales très différentes. Ainsi, un commerce très courant, auquel la population a recours quasi quotidiennement, peut-il supporter de très nombreuses localisations: une zone d’influence même fort restreinte renferme un nombre de clients suffisant à sa rentabilité. Au contraire, un commerce de luxe, fréquenté de façon épisodique, voire exceptionnelle, par la petite fraction de la population dont le niveau de vie est suffisamment élevé pour participer à ce genre de consommation, ne peut supporter que quelques localisations à l’intérieur d’une région ou même d’un ensemble national s’il s’agit d’un commerce de haut luxe; sa zone d’influence est alors très vaste. La fréquence du recours et le pourcentage de population concernée définissent donc des niveaux de rareté des services: les plus courants peuvent se rencontrer dans des villages ou des petits bourgs; on ne tarde pourtant pas à atteindre un niveau spécifique des petites villes; les villes moyennes et les grandes villes y ajoutent des services de plus en plus rares. Il est souvent malaisé de définir de façon précise ces catégories de centres de services en raison de l’extrême difficulté du repérage des seuils qui permettraient de distinguer des niveaux de rareté. Pourtant, deux éléments concourent à préciser la notion de niveau urbain: d’une part, à l’intérieur de la gamme des niveaux de rareté, les services deviennent très rapidement l’apanage des villes et leur donnent un pouvoir d’organisation sur la zone rurale environnante; d’autre part, la variété des degrés de rareté de ces «services urbains», selon les villes, les différencie en fonction de la nature précise du rôle d’encadrement territorial qu’ils leur confèrent.

Cette organisation de l’espace par un système de centres de services à la fois hiérarchisés et interdépendants constitue ainsi la première base de la notion de réseau urbain.

La seconde relève de l’organisation même de certaines activités tertiaires; il peut en effet arriver que le service soit fourni aux usagers par l’intermédiaire de grandes entreprises à établissements multiples entre lesquels un système de transmission de décision établit une hiérarchie interne. Une grande banque, par exemple, dispose d’une direction générale qui se localise le plus souvent dans une grande ville, souvent dans la capitale du pays considéré, ce qui confère à cette cité un pouvoir de décision sur l’ensemble des activités bancaires de l’entreprise; celles-ci s’exercent par l’intermédiaire d’agences mères, situées dans les grandes villes de chaque région, et d’agences filiales, beaucoup plus dispersées, qui assurent les relations directes avec la clientèle. Le partage des compétences entre ces différentes catégories d’établissements donne aux villes qui les abritent un rôle d’encadrement de l’espace dont la nature dépend du type d’établissement considéré qu’elles possèdent. L’organisation de l’administration publique aboutit à des résultats de même ordre. À partir des ministères, les divers organismes régionaux ou départementaux ont une compétence plus ou moins grande dans les décisions tout en assurant l’exécution de celles qui ont été prises par les services centraux; les villes se différencient ici selon la place que leurs services administratifs occupent au sein de ce système. Enfin, l’évolution des structures économiques générales conduit à une dissociation spatiale de plus en plus fréquente entre les directions des entreprises industrielles et leurs établissements de production. Les premières se localisent dans les grandes villes avec leur siège social, leur direction commerciale, leurs services de recherche, tandis que leurs usines obéissent à des facteurs d’implantation beaucoup plus variés, qui les dispersent dans le territoire national. Ce phénomène se traduit de nouveau par une hiérarchie entre les villes, celles qui possèdent les sièges sociaux disposant d’un pouvoir de décision sur l’espace où se localisent les établissements qui en dépendent.

Cette «géographie de la décision», due à l’organisation spatiale des grandes entreprises, s’ajoute donc à la répartition des services selon leur degré de rareté pour différencier des types de ville, depuis la petite cité qui n’exerce qu’un rôle de centre local jusqu’aux grandes capitales nationales qui concentrent les services tertiaires très rares et l’essentiel des activités de décision.

Pourtant, si la notion de réseau urbain repose principalement sur l’organisation de ces fonctions d’encadrement territorial, il y a toujours une certaine corrélation entre l’importance de ces dernières et celle de l’activité industrielle des villes. Sans doute certains grands centres industriels, comme les agglomérations minières, n’exercent-ils qu’une faible fonction d’encadrement territorial, mais, en revanche, aucune ville ne possède une fonction de services de haut niveau sans de nombreuses industries: il y a donc des nuances dans cet équilibre des fonctions fondamentales, mais sans distorsion majeure. En effet, l’acquisition des fonctions tertiaires supérieures ne peut être séparée, sur le plan dynamique, de celle d’une industrie: celle-ci, en dotant les villes d’un marché intérieur dont l’importance est liée au volume de leur population et à l’intensité des affaires, a réalisé ainsi le premier facteur d’implantation des services sur place, avant que ceux-ci ne leur confèrent un pouvoir d’attraction sur l’espace extérieur. L’étude de cette corrélation entre les fonctions de services et les fonctions industrielles des villes est donc indispensable à la compréhension d’un réseau urbain, que ce soit à l’échelle d’un espace national ou d’une région.

2. Les réseaux urbains nationaux

À l’intérieur de chaque espace national, du moins s’il atteint une certaine dimension, se localisent un certain nombre de grandes villes qui se partagent à la fois les services tertiaires les plus rares et l’essentiel des activités de décision. Toutes les divisions modernes du territoire en unités fonctionnelles reposent sur ce réseau national des grandes villes; dans ces portions d’espace, l’ensemble des recours aux activités tertiaires d’encadrement peut se faire à partir de la plus grande ville de la région, sans appel à une ville extérieure: la «métropole régionale» organise, dans ce cas, une vie de relations autonome dans sa zone d’influence; c’est à ce schéma que se réfèrent les partisans de la régionalisation des espaces nationaux. Souvent, en fait, ce schéma reste idéal par rapport à la réalité concrète. Il existe en effet une distorsion entre les activités de décision et les services rares, les premières ayant tendance à se concentrer de plus en plus fréquemment dans certaines métropoles, voire dans la seule capitale nationale, tandis qu’au contraire les services rares tendent à se répartir dans un plus grand nombre de centres par suite de l’élévation générale des niveaux de vie, donc de l’accroissement du marché. Dans le cas d’un réseau urbain national centralisé, comme celui de la France par exemple, cette distorsion atteint son point maximal. Paris concentre la majorité des activités de décision, au point de vue administratif, par suite de la tradition de centralisme de l’État, et sur le plan financier où les directions générales de toutes les grandes banques françaises siègent dans la capitale et ne laissent qu’une compétence très limitée à leurs agences mères des grandes villes de province. En conséquence, les pouvoirs de décision économique, qui fonctionnent en coordination étroite avec l’administration et les banques, échappent également aux régions et se concentrent à Paris, 80 p. 100 des sièges sociaux d’entreprises, grandes ou moyennes, y étant localisés. En revanche, les services tertiaires rares se dispersent dans l’espace français. Une étude, en 1964, a dénombré une quarantaine de villes bien équipées, au regard de la plupart des activités nécessaires à l’encadrement régional. On peut penser que cette situation porte un double préjudice au bon fonctionnement du réseau urbain français. Le pouvoir de décision trop centralisé entraîne des blocages et des retards dans son fonctionnement, un engorgement des services parisiens et une asphyxie des initiatives régionales. Les services tertiaires rares, trop largement répartis dans de nombreuses villes, morcellent le territoire en unités spatiales trop nombreuses et mal adaptées aux conditions actuelles de la vie de relations. Les facilités de transport permettraient une division en quelques grandes régions fonctionnelles plus conformes à la complexité actuelle des activités d’encadrement. Pour remédier à cette distorsion, les services d’aménagement du territoire ont conçu la politique dite des métropoles d’équilibre, qui a cherché, en renforçant le rôle de huit grandes villes françaises, à desserrer l’étreinte parisienne tout en regroupant les éléments de vie régionale dans une vaste zone autour de chacune de ces villes.

En Allemagne, la tradition et la séparation en deux unités nationales, de 1945 à 1990, n’ont, au contraire, laissé à la capitale nationale que des fonctions politiques. Le réseau urbain du pays repose d’abord sur quelques grandes villes comme Francfort, Hambourg, Munich ou Cologne, qui concentrent l’essentiel du pouvoir de décision. Un plus grand nombre de cités divisent le pays en unités plus petites, en fonction de la répartition du tertiaire rare. Le système urbain favorise, en principe, l’épanouissement de la vie régionale, renforcée par la structure fédérale du pays et l’autonomie partielle de chaque Land . Mais l’imbrication des relations économiques entre les grandes villes contredit partiellement cette tendance et impose au monde des affaires des déplacements peut-être encore plus lourds qu’en France où tout converge vers Paris.

Le réseau urbain d’une nation se caractérise donc à la fois par les modalités de localisation des fonctions de capitale nationale et les rapports hiérarchiques entre cette ou ces villes et les centres régionaux. Les grandes villes de «province» seront appelées «centres régionaux» si elles ne disposent que du tertiaire rare et «métropoles régionales» si elles possèdent en outre un certain pouvoir de décision concernant la vie économique et sociale de leur région. C’est ce dernier système qui apparaît souvent aux services d’aménagement du territoire comme la solution la plus profitable à l’organisation harmonieuse de l’espace national. L’essentiel de la politique de régionalisation consiste alors à renforcer le poids des grandes villes provinciales par rapport à la capitale nationale. Aussi, dans un grand nombre de pays, les responsables de la planification cherchent-ils à lancer des programmes d’aménagement du réseau urbain national, parfois appelé «armature urbaine» de la nation. Mais le réseau urbain national n’est que la traduction dans l’espace de phénomènes de structure: il se modèle en fonction du degré de concentration financière de l’économie, du niveau de vie moyen des habitants et de ses variations régionales. Il est lourd de tout le poids de l’évolution urbaine antérieure qui, lors de la croissance des villes du pays, a façonné une certaine répartition de celles-ci dans l’espace national. Une politique d’aménagement véritable ne peut se contenter d’un schéma reposant sur le développement prioritaire de certaines villes. Elle doit s’attaquer aux causes des défauts du réseau, c’est-à-dire aux structures. Faute d’une telle action en profondeur, les aménagements volontaires risquent d’être sans effets.

3. Les réseaux urbains régionaux

Les principales villes d’un pays, par le pouvoir d’attraction de leurs services et l’aire de compétence de leurs activités de décision, découpent l’espace national en grandes zones d’influence qui constituent les «régions organiques» du territoire. Chacune de celles-ci devient, à son tour, la base d’une organisation particulière de la vie de relations reposant sur un ensemble de centres secondaires hiérarchisés et interdépendants. Leur disposition dans l’espace caractérise le réseau urbain de la région. Dans la réalité concrète, en particulier pour les pays de vieille tradition urbaine comme les pays européens, les villes qui assurent ces fonctions présentent une très grande variété qui semble compromettre toute tentative de généralisation. Des études minutieuses ont pu identifier jusqu’à sept ou huit types de centres dans les réseaux urbains de certaines régions françaises. Pourtant, en s’efforçant de faire abstraction de ces nuances dues à la situation des villes et à leur évolution historique, il est possible de retrouver une structure assez bien définie, du moins dans les espaces développés où l’importance de l’activité industrielle et les niveaux de vie permettent une vie économique intense. D’une façon générale, un réseau urbain comprend trois types de centres, en deçà de la ville principale qui définit la région elle-même: les centres élémentaires, dispersés, ne renferment qu’un petit nombre de services parmi les plus courants. Les centres locaux, au contraire, sont les éléments fondamentaux de l’organisation de l’espace, sur lesquels reposent toutes les relations courantes: ce sont les petites villes qui possèdent la gamme complète des services nécessaires à la vie quotidienne de leurs habitants et de ceux des alentours. Enfin, les centres «intermédiaires», ou centres de sous-régions, ajoutent à cet équipement de base certains services semi-rares qui leur confèrent un pouvoir d’organisation de l’espace plus ample et plus varié. Il est difficile de trouver une systématisation de la localisation des centres élémentaires. En revanche, centres locaux et centres de sous-régions obéissent en général à certaines tendances qui permettent d’élaborer un schéma d’organisation du réseau urbain d’une région. Dans un premier secteur, aux alentours immédiats de la capitale régionale, l’espace est pratiquement dépourvu de véritable centre de services. Il ne comporte que des agglomérations plus ou moins importantes disposant pour leurs besoins propres d’un certain nombre d’activités tertiaires. Dès que leurs habitants ou les entreprises qu’elles abritent ont besoin d’activités d’encadrement absentes de ces agglomérations, même s’il s’agit de services courants, ils ont recours aux équipements de la grande ville voisine. Ce premier secteur, périphérique au centre régional, fait place, au-delà d’une distance très variable selon les cas, à une seconde zone dotée d’un certain nombre de centres locaux: ceux-ci découpent ce deuxième secteur en petites zones d’influence qui constituent les divisions de base de la vie de relation; le centre régional fournit toutes les autres catégories de services. À la périphérie de la région apparaît un troisième secteur, qui dispose, en raison de l’éloignement de la ville principale, de centres de sous-régions possédant, outre les services courants, un certain nombre d’activités tertiaires de rareté intermédiaire; ainsi le troisième secteur est-il divisé en autant de sous-régions; chacune comprend un premier sous-secteur, aux alentours immédiats du centre sous-régional qui y fournit aussi bien les services courants que les services semi-rares. Au contraire, dans le second sous-secteur, périphérique au premier, chaque sous-région renferme des centres locaux qui, pour les services courants, prennent le relais du centre sous-régional, ce dernier ne fournissant plus que les services de rareté intermédiaire; naturellement, chaque sous-région, dans son ensemble, a recours à la ville principale pour les services rares que celle-ci est seule à posséder dans sa région.

Par rapport à ce schéma général qui s’efforce de donner une idée de la charpente d’un réseau urbain régional, il existe des différences relevant d’abord de nuances dans les fonctions réciproques des centres locaux et des centres intermédiaires, qui donnent aux uns ou aux autres des capacités particulières sur l’organisation de l’espace environnant. Ainsi, de petites villes anciennes jouant pour l’essentiel le rôle de centre local peuvent-elles détenir une fonction exceptionnelle, grâce à la présence d’un service de niveau supérieur, hérité de l’histoire; il peut s’agir d’un service universitaire comme à Tübingen, en Allemagne, où l’université donne à cette petite cité, par ailleurs centre local, un rôle exceptionnel; parfois, c’est la présence de quelques services administratifs, survivance d’une époque où la ville était plus importante, qui se sont maintenus alors que les autres fonctions ont réduit la cité au rôle de petite ville.

En revanche, des centres sous-régionaux peuvent ne l’être que pour certains services; il en existe, par exemple, dont le rôle tient à des fonctions économiques, commerces, banques, professions de conseil, mais qui sont dépourvus de toute action dans les domaines de l’administration, de la culture ou de la santé; à d’autres, au contraire, il manque les premières fonctions, tandis que les secondes leur donnent un rôle de centres intermédiaires. Ces deux types de villes moyennes tiennent à deux évolutions différentes: certaines vieilles villes se sont trouvées partiellement en marge de l’évolution économique moderne, mais ont conservé, par suite de l’importance de leurs fonctions passées, des activités dans les domaines culturel ou administratif; au contraire, la génération des villes nées de l’industrie a acquis des fonctions économiques sans acquérir les autres services. La variété de ce contenu des villes aboutit dans l’espace à des imbrications de zones d’influence. Mais les différences entre les réseaux urbains résultent beaucoup plus encore de la position des centres dans l’espace régional que de leur variété. En fait, la plupart des villes composant un réseau urbain actuel sont nées à une époque antérieure à la seconde moitié du XIXe siècle ou au début du XXe siècle, date à laquelle se sont installées les activités tertiaires sur lesquelles repose actuellement l’organisation de l’espace dans les villes; elles avaient alors des fonctions différentes de celles qu’elles exercent maintenant. Aussi leur position dans l’espace relève-t-elle de ce premier rôle et se présente-t-elle souvent comme une survivance par rapport aux activités présentes de la ville. C’est pourquoi, la plupart du temps, la localisation des divers centres du réseau urbain dans l’espace régional ne correspond pas à un découpage régulier, encore moins à un schéma géométrique comme celui qu’on avait voulu trouver en Bavière, par exemple, et qui a été à l’origine de la théorie de W. Christaller sur la position hexagonale des diverses places centrales. En fait, le jeu des forces économiques actuelles sur la localisation des différentes activités de service en fonction des marchés tend certainement à donner une disposition régulière aux réseaux urbains. Mais il est pratiquement impossible de définir celle-ci, qui supposerait un espace parfaitement fluide, inexistant dans la réalité concrète. Dans l’espace réel, les conditions naturelles fixent les axes de circulation, qui se combinent avec les facteurs historiques pour déterminer la position des villes; aussi la répartition de ces dernières dans les réseaux urbains n’est-elle jamais parfaitement régulière. Pourtant, l’organisation de l’espace régional en trois secteurs, quelle que soit la forme de chacun de ceux-ci, demeure l’un des fondements essentiels pour le réaménagement volontaire des réseaux urbains par les services publics. La plupart du temps, les distorsions par rapport à ce modèle apparaissent dans les régions peu industrialisées des pays développés: entre le centre régional et les centres locaux, aucune ville, même à la périphérie de la région, n’est parvenue à se détacher pour jouer un rôle plus décisif dans l’organisation régionale. L’aménagement du territoire cherche alors à promouvoir des centres de sous-région, comme dans le cas du plan d’aménagement du réseau urbain de la région Midi-Pyrénées. Mais la réalisation d’un tel plan suppose, en fait, une industrialisation de la région, puisque c’est la faiblesse du contenu économique de l’espace qui est cause du manque de vitalité de son réseau urbain par rapport à ceux de zones ayant une économie plus diversifiée et plus intense. D’une façon générale, on ne peut séparer la notion de réseau urbain national ou régional de celle de niveau de développement.

4. Réseau urbain et niveau de développement

La notion même de réseau urbain suppose que l’espace encadré soit apte à utiliser les services d’encadrement, grâce à un niveau de vie suffisant des habitants et à une vie économique intense et moderne. Il s’agit donc d’une notion qui s’applique essentiellement aux pays développés et plus particulièrement, dans le cas du réseau urbain régional, aux régions industrialisées de ces pays. Dans les pays sous-développés, le rôle des villes est fort différent, tant dans ses mécanismes que dans les systèmes de relations qui en résultent. Certes, les villes se distinguent les unes des autres par leur taille et leurs équipements tertiaires, mais ceux-ci répondent davantage aux besoins propres des habitants de ces cités qu’à un véritable pouvoir d’organisation de la campagne environnante, en marge de la vie de relations par suite de la misère rurale. Le système de relations se situe au niveau des villes où réside la fraction de la population capable d’accéder à l’utilisation des services. D’autre part, l’économie sous-développée, orientée vers l’exportation des produits de base, ne procure pas aux villes une fonction d’animation de l’économie régionale et limite leur rôle au drainage des denrées brutes, extraites de la région; celle-ci s’effectue grâce à un système hiérarchisé en fonction de l’organisation des transports. Dans un espace d’économie véritablement sous-développée, l’organisation urbaine repose, la plupart du temps, sur une seule grande ville, généralement portuaire; celle-ci concentre alors l’essentiel du tertiaire supérieur du pays, qui organise l’exportation de ses produits de base (denrées agricoles, produits miniers) et l’importation des produits fabriqués nécessaires à la population; elle abrite aussi les banques qui sont, en général, les relais des grandes banques des pays industriels, le pouvoir administratif et politique, et les quelques industries de substitution d’importations installées par des capitaux nationaux ou étrangers. L’ensemble de ces activités entretient une fraction riche de la population qui représente un marché pour de nombreuses activités tertiaires induites. D’autre part, ces villes sont le réceptacle des migrations de misère qui y amènent des contingents venus de l’ensemble du pays dans l’espoir d’un meilleur niveau de vie.

Tantôt il n’y a qu’une grande ville dans le pays, comme Abidjan pour la Côte-d’Ivoire, Brazzaville pour la république populaire du Congo, Ascensión pour le Paraguay, Montevideo pour l’Uruguay. Tantôt il y a plusieurs villes: Yaoundé et Douala pour le Cameroun, Bogota, Medellín et Cali pour la Colombie, par exemple; mais ces villes ont alors peu de liens entre elles, chacune jouant pour sa zone d’influence le rôle de relais entre l’espace dominé qui l’entoure et les grandes puissances industrielles qui utilisent celui-ci. De ce fait, il n’est guère possible de parler de «réseau urbain», mais plutôt d’une ou de plusieurs villes dirigeantes au sein de l’espace national. Celui-ci est doté, d’autre part, d’un certain nombre de centres, petits ou moyens, qui abritent des activités tertiaires. On peut classer ces villes dans des catégories, en fonction de l’importance de leurs services et de leur population, mais ce sont toujours des centres locaux tantôt tout petits dans des zones d’économie d’autosubsistance et de faible densité démographique, tantôt mieux équipés dans les zones où les niveaux de vie ruraux sont moins précaires et constituent un marché plus vaste. La variété des villes résulte donc du contenu économique et social de leur région, cette dernière n’étant pas façonnée par un système urbain hiérarchisé, mais modelé par les caractères de la production primaire. Malgré leur diversité, les systèmes urbains dans les pays sous-développés se résument, la plupart du temps, à cette opposition entre la ou les villes dirigeantes et les villes «encadrantes», différentes entre elles, mais non hiérarchisées; ils n’aboutissent pas à une structuration générale de l’espace national par des réseaux. Certes, ces systèmes changent considérablement d’un pays à l’autre, selon les formes du sous-développement et les dimensions des espaces nationaux, mais le rôle des villes y demeure spécifique en fonction des structures mêmes de l’économie. C’est la raison pour laquelle certains géographes ont proposé de limiter la notion de réseau urbain aux espaces des pays développés.

Encyclopédie Universelle. 2012.

Игры ⚽ Поможем написать реферат

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Reseau urbain — Réseau urbain Pour les articles homonymes, voir Réseau. Derrière l expression réseau urbain on trouve deux concepts principaux. Définition courante …   Wikipédia en Français

  • Reseau urbain centralise — Réseau urbain centralisé On dit qu un État a un réseau urbain centralisé lorsqu il ne possède qu une métropole qui commande son territoire et remplit à la fois le rôle de capitale politique, économique et culturelle du pays. La France en fournit… …   Wikipédia en Français

  • Réseau urbain — Pour les articles homonymes, voir Réseau. Derrière l expression réseau urbain on trouve deux concepts principaux. Définition courante Réseau(x) élec …   Wikipédia en Français

  • Réseau urbain centralisé — On dit qu un État a un réseau urbain centralisé lorsqu il ne possède qu une métropole qui commande son territoire et remplit à la fois le rôle de capitale politique, économique et culturelle du pays. La France en fournit un exemple : Paris… …   Wikipédia en Français

  • Tisséo-Réseau urbain — Tisséo Logo de Tisséo Dates clés 1973, Création de la SEMVAT 2002, Création de la marque Tisséo 1993, Ouverture de la première ligne du métro (ligne A : Basso Cambo Jolimont) …   Wikipédia en Français

  • Reseau de bus Les Cars d'Orsay — Réseau de bus Les Cars d Orsay Les Cars d Orsay (Les Cars d Orsay) exploitent un réseau de transports en commun par bus et cars dans une partie du département de l Essonne, entre les communes d Orsay, Les Ulis, Massy, et Bures sur Yvette.… …   Wikipédia en Français

  • Réseau de bus Les Cars d'Orsay — Les Cars d Orsay (Les Cars d Orsay) exploitent un réseau de transports en commun par bus et cars dans une partie du département de l Essonne, entre les communes d Orsay, Les Ulis, Massy, et Bures sur Yvette. Sommaire 1 Histoire 2 …   Wikipédia en Français

  • Réseau de bus Les Cars d’Orsay — Réseau de bus Les Cars d Orsay Les Cars d Orsay (Les Cars d Orsay) exploitent un réseau de transports en commun par bus et cars dans une partie du département de l Essonne, entre les communes d Orsay, Les Ulis, Massy, et Bures sur Yvette.… …   Wikipédia en Français

  • Réseau de bus les cars d'orsay — Les Cars d Orsay (Les Cars d Orsay) exploitent un réseau de transports en commun par bus et cars dans une partie du département de l Essonne, entre les communes d Orsay, Les Ulis, Massy, et Bures sur Yvette. Sommaire 1 Histoire 2 …   Wikipédia en Français

  • Réseau de bus Cars d'Orsay — Les Cars d Orsay exploitent un réseau de transports en commun par bus et cars dans une partie du département de l Essonne, entre les communes d Orsay, Les Ulis, Massy, et Bures sur Yvette. Sommaire 1 Histoire 2 Statut administratif 2.1 Forme ju …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”